ZAD comme… Zone A Découvrir
En ce premier dimanche du mois mondial des Zones Naturelles Humides, des naturalistes invitaient à découvrir la ZAD de Notre Dame des Landes et sa riche biodiversité. Particulièrement riche car le terrain est resté protégé ces 30 dernières années du fait de sa mise en réserve par le CG44.
Sur la place centrale de Notre Dame des Landes, 8 animateurs sont entourés d’une centaine de personnes. Des groupes se constituent en fonction des spécialités de chacun et du hasard. On compte des ornithologues, des spécialistes des batraciens, des landes…, d’autres se déclarent généralistes. Un imposant barbu aux favoris exubérants et grisonnants invite à un circuit dans les taillis. Un « pauvre » spécialiste des myxomycètes (champignons gélatineux) est un peu moqué par ses collègues :
-Les myxomycètes, c’est une sorte de vomi sur le bois pourri. Il faut une loupe pour observer et on fait beaucoup de surplace.
Résultat, par ce froid glacial, il se retrouvera quasiment seul dans son groupe.
Pour ma part, j’ai rejoint une « généraliste » avec l’espoir de bouger un peu pour réchauffer des pieds déjà endoloris et découvrir le site de la « Gaieté », autre attrait lié au toponyme.
Nous sommes 26 à covoiturer vers cette entrée de la ZAD « ornée » de vieux pneus et de bouteilles de gaz vides. Nous empruntons l’ancienne voie ferrée « St Malo/Hendaye » empierrée mais couverte d’eau. N’a-t-on pas dit « Zone Humide » ?
Pourtant, nous sommes sur une hauteur, une tête de bassin versant. A droite, les eaux ruissellent vers le Gesvres, à gauche vers l’Isac. Et notre guide nous explique l’importance de ces « têtes de bassin », à protéger en priorité. De récentes études ont montré que leur pollution se répandait dans tout le bassin. Pourtant, c’est là qu’est prévu l’aéroport, un emplacement décidé à une époque où ce type de connaissances faisait défaut.
Tout au long du trajet, notre guide bavarde partage ses connaissances sur le site parcouru de nombreuses fois, sur les batraciens, l’intérêt des zones humides, des mares, des talus…
Nous voici d’ailleurs à proximité d’une de ces petites landes protégées où saillent des « touradons de molinie » beige clair, croissent bruyères et ajoncs nains. Des ajoncs qui ne piquent pas : leurs aiguilles souples se contentent de caresser la main. Nous découvrons aussi les limites de notre « généraliste » qui déclare ne rien connaître aux oiseaux, et dont nous constatons qu’il en est de même pour les arbres, dénudés il est vrai. Il faudra les savoirs du groupe pour distinguer chênes, bouleaux, peupliers trembles, bourdaine…
Un étroit ruisseau franchi, nous débouchons sur une prairie humide.
- Ruisseau ? Fossé plutôt ! s’exclame l’un des marcheurs. Ici on reconnaît la main de l’homme.
Nous apprenons alors que notre guide fait partie d’un bureau d’études, et elle nous rappelle les différents critères qui distinguent le ruisseau du fossé (existence d’une berge, lit et flore caractéristique… cf notre bulletin n°25)
L’un des jeunes du groupe, visiblement un passionné, déclare avoir aperçu une grenouille… C’est l’occasion de découvrir les différences entre les nombreuses espèces de batraciens du lieu.
« Les grenouilles rousses pondent entre décembre et janvier dans les ornières en lisière de bois ou de forêt ; les grenouilles agiles, plus nombreuses ici, ensuite… Il existe aussi des grenouilles vertes dans les mares, des rainettes… et plusieurs espèces de tritons, y compris des hybrides (tritons de Blasius) dont le mâle n’est pas fécond. A la différence des grenouilles, les tritons dissimulent leurs œufs un à un dans des feuilles que la femelle plie en deux et… colle ! Les salamandres sont également nombreuses sur ce terrain où elles ne sont pas dérangées. »
Nous patouillons parmi les diverses variétés de joncs jusqu’à une mare cachée sous les arbres. Des galeries de campagnols amphibies s’étendent sous les herbes. Une certitude : nous sommes ici dans une zone humide !!! Une de celles que les communes et les agriculteurs doivent protéger ! Pourquoi pas l’Etat et nos élus ?
Nouveau talus près du ruisseau qui contourne la prairie. L’un des marcheurs croit distinguer une touffe de jonquilles (des « rousinettes ») prêtes à fleurir. Un grand costaud conteste vivement. Notre « spécialiste » évoque des asphodèles… Limite de connaissance étonnante pour quelqu’un chargé des inventaires flore et faune, car il s’agit bien de jonquilles !
C’est le moment choisi pour expliquer l’intérêt des talus locaux dressés autrefois avec une terre pauvre acide et susceptibles de recéler une biodiversité originale. Compenser n’est pas possible : la terre enrichie aujourd’hui ne permet pas de reconstituer de tels milieux.
-… et quel intérêt de multiplier haies et talus artificiels dans des lieux où ils existent déjà, en payant des agriculteurs pour qu’ils les conservent au moins 7 ans ?
C’est alors qu’intervient un agriculteur blinois qui évoque tout l’intérêt de sa technique de culture et l’injustice qu’il ressent car les aides européennes ne reconnaissent pas cette méthode. Selon lui, le fait de conserver des talus à l’abri des pesticides et autres –cides devrait être rémunéré même s’il utilise ces divers « poisons » sur les terres voisines. Je crois avoir reconnu l’interlocuteur et me réjouis un peu plus tard lorsqu’il affirme :
-Tiens, de la ciguë -Non, c’est de l’œnanthe…
Pris à défaut !!! Lui qui dans un livre publié il y a quelques années se moquait de l’ignorance des paysans confondant épervier et faucon crécerelle !
J’en profite pour observer notre groupe :
Trois jeunes dont un ado, des visages engoncés sous les bonnets, casquettes et foulards, un couple âgé qui peine en se tenant par le bras roupie au bout du nez. Le froid en paralyse plus d’un, les pieds surtout – du moins ceux qui n’ont pas la chance de porter « des chaussons tricotés » par les grands mères !
Nous quittons ce milieu qui se ferme en pataugeant sur un terrain ensemencé où les sangliers s’en donnent à cœur joie. D’ailleurs, près des voitures, une meute de chasseurs fluos se réchauffent près de son gibier préféré : les bouteilles de p’tit blanc !
Une sortie intéressante, riche de découvertes diverses, à renouveler par un temps printanier. Une confirmation aussi de la relativité des inventaires réalisés par les bureaux d’étude, du pouvoir de nos élus à se libérer des contingences qu’ils imposent aux simples citoyens…
N.B. : Le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité a émis début février 2015 un avis négatif sur le projet d’aéroport. Celui-ci aurait un impact « très important sur les fonctions écologiques et la riche biodiversité de ce milieu très original, un type de milieu en voie de disparition en Europe de l’Ouest. » Ce Conseil de 25 experts qui dépend du ministère de l’écologie estime les possibilités de compensation « très restreintes ».
Ne pas suivre cet avis n’ôterait-il pas toute crédibilité à ce ministère ?… et à tant de belles déclarations !!!