Projet « école de pompiers » - parc du Pont-Piétin à Blain
La réunion publique consacrée au projet d’implantation d’un Centre d’entraînement pour les pompiers sur les terres du CHS m’a laissé une impression désagréable en raison de la volonté affichée de minimiser l’impact des constructions et activités, et plus encore de ce mot répété à plusieurs reprises par le principal intervenant : « sur ce site, il n’y a RIEN !!!, absolument RIEN, même pas des chauves-souris ! »; à cause aussi des excessifs remerciements du représentant de la municipalité.
Tout d’abord, je crois pouvoir affirmer que le lieu d’implantation n’est pas un désert. Au contraire ! Il s’agit des terrains d’une ancienne ferme et d’un parc boisé. Sur les terres agricoles, des arbres (chênes, pins) ont été plantés il y a une trentaine d’années et ne sont donc pas venus à maturité. Une vie sauvage s’est progressivement développée : une faune diversifiée (il existe même des chauves-souris, quoi qu’on en dise, que l’on peut apercevoir au crépuscule en été), de nouvelles plantes aussi, une grande variété de champignons… En fait, tout ce qui constitue la biodiversité, la richesse d’une zone rendue à la nature. Car, contrairement à ce que voulait nous faire croire le présentateur du jour, la biodiversité, le patrimoine… ce n’est pas seulement ce qui est rarissime !!! C’est d’ailleurs ce que confirme l’étude environnementale qui insiste sur « l’importance de la végétation qui permet de penser que le site favorise la biodiversité ». Durant les 3 jours d’étude, il a été noté la présence de plusieurs espèces d’amphibiens, d’oiseaux protégés : rapaces, pic mar et pic épeiche, fauvette à tête noire, grimpereau… des mammifères aussi. Et si aucun oiseau nocturne n’est mentionné, c’est sans doute qu’il n’y a pas eu d’observation la nuit (diverses espèces de chouettes et hiboux dont les moyens-ducs sont présentes). Même remarque pour les champignons : les dates choisies n’étaient sans doute pas favorables à l’observation. Une exploration précédente avec le club mycologique de St Gildas avait révélé la richesse du site, particulièrement la surface boisée située au sud.
Seconde remarque, ce site est un élément non négligeable en matière de régulation climatique et préservation des ressources en eau. Faut-il rappeler l’importance des arbres et espaces verts dans un département de plus en plus urbanisé ? Et, sans doute considérez-vous que c’est sans importance, mais je voudrais quand même signaler l’intérêt du paysage avec ses dénivelés, ses différents types de boisement : plantations de pins et chênes, bois plus sauvage, espace de chênes centenaires, ses rochers dans la partie sud… A noter également l’existence de mares et, dans la partie nord-ouest de zones humides où l’eau affleure… Une « végétation caractéristique des zones humides » est d’ailleurs signalée dans l’étude en des lieux où des constructions sont prévues : une étrange conception d’une préservation considérée comme nécessaire !
Quant à « l’impact minime » des activités, il est bien difficile de l’admettre : les superficies construites et consacrées aux activités de 75 personnes par jour, les déplacements, le bruit, voire les pollutions lumineuses… vont détruire totalement l’équilibre actuel. C’est d’ailleurs ce que souligne l’étude qui évoque des « nuisances réelles : visuelles, phoniques, olfactives ». On pourrait ajouter les pollutions liées aux exercices, aux produits utilisés dont « les fumigènes de classe A » qui justifient un éloignement maximum de l’hôpital hors des vents dominants. Bien sûr, on nous a affirmé que tout était prévu pour éviter les rejets, purifier les eaux… Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un apport de produits polluants dans un milieu dont le rôle actuel est de « dépolluer » ! On a aussi essayé de nous faire croire que l’on conservait la voierie existante… Un chemin empierré et une route goudronnée, est-ce vraiment la même chose ???
Je me permets encore de rappeler qu’au moment de son implantation on vantait la réalisation d’un « hôpital à la campagne » avec un parc boisé apportant calme et sérénité. S’appuyer aujourd’hui sur l’existence de cet hôpital pour parler d’« agglomération » permettant de construire « en extension » paraît assez contradictoire. Les modes changent en matière de soin. Il est facile de couper les arbres et bétonner, il n’en est pas de même pour retrouver un espace naturel! Le choix mérite donc d’être sérieusement étudié et présenté.
D’un point de vue sécurité, on peut penser que la route départementale d’accès pourra difficilement supporter ce nouveau trafic sans aménagements – question esquivée lors de la réunion publique. Or, le document soumis à enquête mentionne la nécessité « d’axes de communication bien dimensionnés, facilement accessibles à toute heure et en toute circonstance ».
Bien sûr, il y a des intérêts économiques qui font saliver, en particulier la municipalité. Mais cet espace boisé est actuellement considéré Zone d’intérêt patrimonial, la partie sud du bois en particulier est classée et à protéger. Et cet ensemble l’est certainement aussi bien d’un point de vue historique que naturel. Est-il si facile de le déclasser dès que d’autres intérêts se manifestent ? Alors, que l’on ne nous parle plus de biodiversité, protection de l’environnement… et autres termes vides de sens dès que des questions d’argent et de prestige sont en jeu.
Je me permets de rappeler l’article L123 -13 du code de l’urbanisme : « les zones naturelles et agricoles, les espaces boisés classés (c’est le cas pour la partie sud) doivent être protégés contre les nuisances, on doit veiller à ce que sites et paysages ne soient pas réduits ». Le DTA invite à « préserver faune et flore des perturbations liées au projet, à protéger les zones boisées anciennes (définies sur plan) et les mares ». Il est également indiqué que dans ce « secteur d’intérêt paysager… les projets doivent être intégrés à l’environnement avec peu d’urbanisation ». Vœux pieux si l’on considère l’importance du projet et les activités prévues.
Peut-être est-il cependant nécessaire de réaliser ce centre de formation pour les pompiers. Peut-être que ce choix en période de « crise » ne répond pas qu’à un souci de confort. Mais j’aimerais que l’on pèse honnêtement les avantages et inconvénients des choix effectués, pas seulement en termes économiques, et surtout pas en niant la réalité de la destruction d’un site d’intérêt naturel et patrimonial. Et si la réalisation est indispensable, ne devrait-on pas limiter la zone ouverte à l’urbanisation à ce qui est préconisé dans l’étude environnementale ? On a intelligemment exclu une bande de terrain le long du canal, ne devrait-il pas en être de même pour les parties boisées considérées comme « à préserver », en particulier au sud, ceci afin d’éviter les tentations d’extension future… déjà évoquées… ? Pour l’intégration dans le paysage, il semble également nécessaire de limiter la hauteur du bâti et ne pas laisser ce critère à libre interprétation. Quel avenir pour la mare située en plein milieu de la partie « à bâtir », quelle vie et quels échanges pour les animaux avec une clôture de 2.50 mètres ? Ne pourrait-on leur prévoir des « couloirs de circulation » dans la mesure où ils ne seront pas simplement éliminés par le projet…
L. Joulain