A la découverte des abeilles
Abeilles solitaires :
En ce printemps 2010, mon attention a d’abord été attirée par une multitude de « mini volcans » sur le côté exposé au sud d’un chemin en terre. Au soleil de midi, ces cônes étaient survolés par des insectes qui semblaient à la recherche de leur demeure… Une étude plus approfondie m’a appris qu’il existait plus de 25000 espèces d’abeilles dont une dizaine de familles d’abeilles solitaires. Parmi celles-ci, 70% vivent dans le sol, creusant des galeries d’une trentaine de centimètres de profondeur. Il existe même des « abeilles coucou » qui utilisent le nid des autres pour y déposer leurs œufs ! Celles que j’ai pu observer sont, semble-t-il, des halictes, une espèce grégaire qui forme des bourgades. Je me suis intéressé à l’une de ces « villes » composée de plusieurs centaines d’habitats individuels avec, plus loin, des « villages », voire des « maisons » isolées. Le tout sur sol tassé, nu, exposé au sud. Dans de courtes galeries horizontales, au fond de la galerie principale, ces abeilles maçonnent des cellules à l’aide de leur langue et de leur salive, un véritable enduit imperméable ! Elles y déposent une boule de pollen puis un œuf. Les premiers, fécondés, donneront des femelles, les derniers, non fécondés, des mâles. Dans ce monde, ni reine, ni ouvrière; parfois un début de sociabilité. Par exemple, chez les halictes zébrées dont les femelles du printemps restent dans le puits jusqu’aux naissances suivantes. Un phénomène que j’ai pu observer. Ces abeilles ne se déplacent pas très loin : 500 à 600 mètres de leur habitat qu’elles ont parfois de la peine à reconnaître au retour, d’où ce survol des « cônes volcaniques » pour essayer de retrouver le bon. Et lorsqu’on est chargée de pollen, il n’est pas toujours facile de se glisser dans l’étroite galerie ! Tout un travail peut-être nécessaire pour élargir le trou… Mais quelle idée de s’installer sur des chemins ! Dans le cas présent, tracteurs et engins agricoles écrasent et détruisent. Pire : la commune a décidé de rénover le chemin. Résultat, les gros engins ont creusé, déposé du gravier… Un voie neuve, mais une colonie quasi détruite… Alors, si vous observez ces « minis volcans », dans la mesure du possible, sauvez ces pollinisatrices en ne piétinant pas, en gardant quelques fleurs (pissenlits, pâquerettes, trèfle…) dans votre pelouse.Laurent
Abeilles « domestiques » :
Pour compléter nos connaissances, nous nous sommes rendus à Plessé chez un jeune apiculteur. Dans les ruches qu’il fabrique lui-même en hiver, il place une dizaine de cadres où les abeilles disposent leurs cellules en cire emplies de miel dans les coins, puis de pollen, le centre étant réservé au couvain. Là peuvent vivre 50.000 abeilles en pleine saison, environ 1000 en hiver. La reine y pond pendant 5 ans environ 2000 œufs par jour. Trois fois son poids ! Les ouvrières, stériles, ne survivent guère au-delà de 3 semaines en période de pleine activité. Durant ce temps, elles parcourent environ 800km pour produire ½ cuillerée à café de miel ! L’hiver, elles se serrent autour des larves pour les réchauffer et vivent de leurs réserves (une ruche consomme 60 kg de miel par an). Et lorsque la population devient trop importante, on « fabrique » une nouvelle reine. A sa naissance, un essaim se formera pour fonder une autre colonie.
Greffage de reines :
Notre hôte a procédé dans son labo à un greffage de reines destinées à de nouvelles ruches. A l’aide d’une loupe et d’une pince, il a prélevé des larves dans un cadre, puis les a disposées dans des cupules verticales individuelles emplies de gelée royale. Chaque semaine, il prélève ainsi 48 larves avec une réussite de 85%. Il les dépose ensuite dans une étuve, une sorte d’incubateur à température constante où elles atteignent le stade de chrysalide. Au bout de 11 jours, peu avant leur naissance, il procède au greffage en implantant la nouvelle reine dans une ruche qui n’en possède pas. Attention, pas de négligence : si on laisse une reine naître dans l’incubateur, elle tue toutes les autres ! C’est d’ailleurs pourquoi chaque cupule est protégée par un tube.
Les ruches :
Equipés comme des extra-terrestres, nous nous sommes rendus dans un verger proche où sont installées une vingtaine de ruches. Notre guide en possède 400 réparties entre Plessé et Nantes. Là, Virgile a procédé au greffage. Après avoir enfumé les ruches, il les ouvre et dépose une reine sur un cadre. Nous n’étions guère fiers au milieu du tourbillon d’ouvrières énervées par notre intrusion ! Nous avons pu reconnaître quelques mâles « au cul poilu et aux gros yeux ». Virgile nous a présenté les différentes étapes de la vie d’une ouvrière : d’abord ménagère chargée d’aérer, nettoyer, déplacer les stocks ; puis nounou responsable du couvain et de la reine ; bâtisseuse ; gardienne et enfin butineuse. Près des ruches sont disposés des abreuvoirs. Il faut dire que l’eau dans la nature constitue souvent un danger : les abeilles n’aiment pas l’eau froide et risquent d’être mangées. Nous avons observé 2 races. De douces italiennes (lapis lingustica) à la langue longue, spécialistes du trèfle, et des anglaises. A noter que les ruches sont peintes pour aider les ouvrières à se retrouver..
Le métier :
L’apiculteur est considéré comme un agriculteur. Il reçoit donc une aide à l’installation. Entre pros - une douzaine en Loire-Atlantique - on se répartit des secteurs. Les abeilles de Virgile butinent environ 50.000 hectares, 3000 par rucher composé d’environ 20 ruches. Ceci oblige à d’importants frais de déplacement, environ 1/3 du budget. Il faut y ajouter de 10 à 15 euros de cire par ruche, soit 5000 euros. Hélas, il faut aussi compter les pertes, environ 25% pour Virgile. Les causes principales sont l’utilisation de pesticides sur les cultures et un parasite le varroa, une sorte de tique des abeilles. Et l’avenir n’est guère rassurant. Emilie Schoelinck de La maison de l’apiculture à Nantes évoque « une mortalité de 20 à 98% selon les secteurs, avec, par exemple, un rucher totalement détruit à Nozay, une seule ruche survivante et 52 détruites à Guérande… » Une abeille butinant une gouttelette secrétée par le feuillage d’un jeune plant traité avec un insecticide dangereux meurt en quelques minutes. Et bientôt il faudra compter sur le frelon asiatique : 4 frelons à l’entrée d’une ruche peuvent tuer 50.000 abeilles en peu de temps ! »
Questions :
Quand les abeilles se reposent-elles ?- Jamais. Une abeille ne dort pas.Pourquoi le pollen est-il de différentes couleurs ?- Sa couleur dépend des fleurs butinées.Comment s’opère la fécondation ?- Les mâles naissent au bout de 28 jours d’avril à juillet à partir d’œufs non fécondés. On les appelle « faux bourdons », ils ne piquent pas et lorsqu’ils sont trop nombreux, ils sont chassés de la ruche. Au moment de l’envol, la reine peut être fécondée par plusieurs mâles qui y laissent la vie… et un sac de spermatozoïdes dans lequel la reine puisera ensuite selon sa volonté durant ses cinq ans de vie.Quelle est la température dans la ruche ?- 37°. Les abeilles meurent à 41° Par temps froid, leur activité est réduite.Comment obtient-on de la gelée royale ?- C’est la sécrétion d’une glande. La reine baigne dedans avant sa naissance. Par contre, le miel est composé de sucre et d’eau. Depuis, nous avons pu observer un essaim qui vit au cœur d’un vieux chêne à proximité de notre jardin au Gâvre… Nos remerciements à Virgile et longue vie à nos amis abeilles ! Que les bonnes décisions soient enfin prises pour les protéger ! Laurent et Pierre-Axel
Au secours !
« Depuis 2006, des centaines de millions d’abeilles ont disparu, aucun corps autour des ruches. Sentinelles en train de mourir pour dire que quelque chose est cassé entre nous et la nature ? »
Conséquences : Plus d’abeilles et 30% de notre nourriture (fruits, baies, plantes) disparaîtrait faute de pollinisation. Toute une économie serait bouleversée : « Le bruit des abeilles est le bruit de l’argent. », affirme un planteur d’amandiers californien. Pourquoi ces disparitions ? Les causes semblent multiples et interagissent entre elles. D’abord les pesticides toujours autorisés sous la pression des firmes productrices et de certains exploitants agricoles. Ils enrobent les semences, imprègnent le sol. L’ensemble de la plante devient toxique, des gouttelettes empoisonnées sont exsudées sur les feuilles… En face, l’abeille est sans défense, ces produits détruisent son système immunitaire et la rendent particulièrement sensible aux virus. Ils empêchent également le bon fonctionnement de sa mémoire : l’abeille se perd. Aux virus s’ajoute un acarien, le varroa, importé avec des abeilles. Seul un insecticide peut le détruire, mais celui-ci se répand dans la cire et la destruction n’est jamais complète, un cycle infernal… Autre cause, l’abeille « business », l’élevage industriel. Aux Etats-Unis en particulier, on déplace les abeilles au gré des demandes des propriétaires de serres, de monocultures de plein champ (amandiers surtout). Résultat : stress, désorientation, changements d’alimentation, d’environnement. Et pour rééquilibrer la nourriture, stimuler les abeilles, on les gave de « pâtée », d’antibiotiques… La sélection (douceur, production…) contribue également à l’affaiblissement des ruchers. Les reines, élevées, « fabriquées », uniformisées mettent en danger l’avenir de l’abeille domestique par uniformisation. Il faut ajouter la diminution de la biodiversité, la diminution des haies. Actuellement ¼ des espèces végétales sont en voie de disparition, 1/3 des vertébrés ont disparu depuis 1970. Non seulement la nourriture des abeilles n’est plus équilibrée, mais c’est tout l’équilibre de la nature qui s’effondre. Quelles solutions ? * Des abeilles OGM résistantes aux pesticides ? Ou plus simplement la sélection d’abeilles résistantes par insémination artificielle en labo. En effet, on a découvert de telles colonies dans l’ouest de la France : plus proches de l’abeille sauvage, elles tuent et rejettent les nymphes infectées. * Développer la biodiversité et la rotation des cultures, supprimer les pesticides, accorder des subventions sous condition de respect de l’environnement et de la biodiversité… Développer une autre agriculture… * Acheter des produits bios, locaux, diversifiés, protéger forêts et zones naturelles… et donc exercer des pressions sur les politiques afin d’indemniser les autochtones, de favoriser ces changements.